Le Chapeau de Greenwood est une vraie-fausse autobiographie de Barrie à travers les articles de jeunesse qu’il a écrits, reproduits dans le livre et qu’il commente bien des années plus tard.
Lorsqu’il était jeune homme, James Matthew Barrie avait choisi le pseudonyme « Anon ». Parfois, le nom était décliné en « James Anon ». Anon est le diminutif du mot « Anonyme ». Cela pourrait sembler étrange. Mais Barrie ne fit que détourner un usage très banal, à l’époque, au sein des journaux. Les aspirants écrivains se faisaient la main avec des articles qui étaient publiés sans nom d’auteur. Anonymement ! Il est à noter que la toute première version de la pièce qui allait devenir Peter Pan s’intitulait… Anon !
Barrie était l’un de ces jeunes anonymes, lorsqu’un célèbre rédacteur en chef et homme de lettres commença à publier ses premiers articles importants. Cet homme se nommait Frédérick Greenwood.
Barrie n’oubliera jamais celui qui lui mit le pied à l’étrier. 7 ans avant sa mort, Barrie rédigera ses mémoires et évoquera la figure de son bienfaiteur du temps jadis. Ses mémoires ont pour titre Le Chapeau de Greenwood.
Mais quel est donc ce fameux chapeau ?
Lorsque Barrie rendit visite à Greenwood, pour la première fois, il acheta un haut-de-forme d’occasion. Il voulait se donner de la prestance, car il était complexé par sa petite taille. Certains de ses premiers articles furent, par la suite, conservés dans le carton du chapeau. D’où le titre de ses mémoires…
Les premiers textes de Barrie publiés par Greenwood étaient des esquisses. Ils avaient tous pour objet les habitants de Kirriemuir, sa petite ville natale, en Écosse. Ces hommes et femmes étaient des « Auld Lichts ». Cela signifie, en dialecte écossais, les Vieilles Lumières. Ces « Vieilles Lumières » étaient les membres d’une secte dissidente de l’Église presbytérienne. Ils étaient réputés pour leur puritanisme. La mère de Barrie, Margaret Ogilvy, appartenait à cette communauté. Barrie n’a pas connu la vie des Auld Lichts, mais il s’est approprié les souvenirs de sa mère pour en tirer les textes publiés par Greenwood.
Face à l’apparente simplicité du style de Barrie, le lecteur ou l’auditeur ne doit pas être dupe. James Matthew Barrie pense presque toujours le contraire de ce qu’il fait semblant de dire. L’émotion est déportée, car l’écrivain la repousse ou ne peut l’affronter de plein fouet.
Pourtant, reproche fut fait à Barrie d’être sentimental. Il l’était, assurément. Mais, en général, on se trompe sur le sens de ce mot. Être sentimental, pour Barrie, signifie agir en artiste. Il feint une émotion qu’il ne peut pas éprouver. Mais il donne une émotion, bien réelle, celle-là, au lecteur. Le paradoxe barrien est là.
Dans ces textes présentés, il est parfois difficile de ne pas se perdre dans la temporalité de Barrie. Un dialogue s’instaure entre le Barrie qui est proche de la mort et qui écrit ses mémoires et le jeune homme qu’il fut. Anon est ce jeune homme immortel. Barrie vieillissant parle d’Anon comme s’il n’avait pas été ce jeune homme. Barrie se dédouble sans cesse. Tantôt jugeant et contant celui qu’il fut, comme s’il lui était étranger. Tantôt se fondant avec lui pour le faire parler à nouveau.
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