En France, J. M. Barrie est victime d’un terrible malentendu — biographique et littéraire — dont il a joué imprudemment. En effet, c’est par la voie encrée que Barrie a toujours donné sens à son existence. S’il y a un secret dans son œuvre, c’est dans son génie des coïncidences et des concordances, entre réalité et fiction, qu’il faut le chercher. Aucune ligne de démarcation entre l’imaginaire et le concret, aucune couture visible entre l’homme et l’écrivain, pas d’interstice entre la substance et les ombres portées. Il vous a bien leurrés ! Le malentendu fut essentiellement cristallisé par une perception erronée : celle que la plupart des lecteurs ont de son personnage le plus célèbre, Peter Pan. Pourtant, Barrie est un génie que l’on ne peut limiter à ce chef-d’œuvre qui a opacifié la vision que vous avez de lui : il a composé une quarantaine de pièces (dont d’immenses succès), une dizaine de romans, des centaines d’articles, de nouvelles et de discours, des parodies, des mémoires et même une élégie… Il n’est certainement pas, comme le croient ceux qui ne l’ont jamais lu, un écrivain que l’on devrait enfermer dans la nursery. Sir James n’est pas un confiseur, mais un implacable réaliste : cruel comme la mort et tendre comme une mère. Il le dit lui-même : « Aucun des adjectifs que vous pourriez employer ne saurait mieux atteindre sa cible que celui que j’ai trouvé pour me désigner : “ l’inoffensif Barrie”. Impossible de ne pas remarquer à quel point le mot vous frappe. C’est une pilule amère à avaler, mais il semble que, sur ce sujet, au moins, je sois le critique le plus qualifié (…). Le mot que vous choisiriez pour moi serait probablement “formidable”. J’étais tout à fait préparé à l’entendre (…), car d’emblée j’ai pressenti qu’[on] ne pouvait être mesquin au point de dire “fantasque” et il m’a semblé possible qu’[on] oublie de dire “insaisissable ”. Si vous saviez à quel point, bien des fois, ces adjectifs m’ont déprimé ! Il y en a peu qui ont essayé, autant que moi, d’être simple et direct. » Barrie est donc morbide et féerique. Simple, direct et coupant comme le mot juste, mais certainement pas simpliste ni superficiel et encore moins enfantin. Le meilleur portrait de Barrie demeure celui brossé par son contemporain, Dixon Scott, un critique littéraire anglais : « L’évolution (…) de Barrie est fascinante : timidement (mais avec quelle obstination !), il a œuvré et s’est avancé, à la force du poignet, vers son essence, jusqu’à ce qu’il parvienne enfin à occuper la place qui était véritablement la sienne. Il est à la mode de dire qu’il “n’a jamais grandi”. (…) Cette déclaration se veut un éloge, mais c’est un commentaire insipide du processus à l’œuvre dans sa carrière. Ce qui est vraiment étonnant, dans son cas, c’est qu’il a effectivement grandi, et n’a cessé de grandir ; mais, au lieu de grandir en hauteur, il a grandi en s’enracinant. » Barrie est donc tout entier rhizome ! Et son œuvre est à son image : monstrueusement révélatrice de notre âme souterraine.
Ce site a vu le jour, dans sa forme antérieure, en 2005/2006. Il était la création de votre servante et était mis en forme par celui qui devait devenir, 15 ans plus tard, mon mari, Sébastien Le Gall.
Faute de temps, mais aussi par lassitude de le voir pillé sans vergogne, il n’était mis à jour que très sporadiquement. Vous pouvez découvrir l’histoire derrière le site ici.
J’ai décidé de lui redonner une seconde jeunesse (ou enfance) et de le nourrir un peu plus copieusement.
En revanche, je n’admets toujours pas le plagiat et le vol de documents (parfois, par des universitaires dont je ne citerai pas les noms ou même par une célèbre encyclopédie !). C’est pourquoi, passim, j’ai introduit quelques petites erreurs afin de servir de filigrane à mon travail.
Je ne refuse jamais un document ou une aide si on me les demande honnêtement.
Tous mes travaux barriens (et, parfois, d’autres sans rapport) furent publiés sous le nom du pseudonyme Céline-Albin Faivre jusqu’en avril 2021. J’ai décidé de me détacher de ce nom de plume et d’user désormais de celui qui est au plus près de mon identité, Céline Da Viken Le Gall. Dans tous les cas, il s’agit d’une seule et même personne : d’abord une jeune femme dévouée au génie écossais, qui a désormais bien vieilli, mais dont l’esprit demeure enchanté par l’humour subtil et la profondeur d’un écrivain d’exception.
Bien sûr, nous vivons dans un monde post-humaniste et les histoires et la langue de Sir James peuvent paraître bien surannées à certains, pourtant le propos de Barrie est universel et intemporel : il nous parle à jamais du cœur des hommes.
Comment ai-je croisé le chemin de James Matthew Barrie ? C’était il y a si longtemps… Essayons de nous souvenir…
Un jour de pluie, crasseux d’ennui, j’ai découvert que, derrière le fascinant (et complexe) personnage de Peter Pan, existait un homme non moins merveilleux et fascinant que sa créature, James Matthew Barrie. Violent coup de foudre entre lui et moi – sans appel. Je décidai de lui consacrer le meilleur de mon être. Mais Peter Pan ne fut pas celui qui nous présenta.
Si Jamie (avec qui je prends des libertés) s’était contenté de n’être que le porteur du rêve de Never (Never Never) Land et de ses habitants, tout cela aurait été déjà beaucoup, mais Barrie fut infiniment plus. Peter Pan l’a dévoré et presque tout le monde, surtout en France où il est diablement méconnu, a oublié (mais qui parmi ces coeurs durs l’a jamais su ?) qu’Anon (son pseudonyme un peu forcé, lorsqu’il débuta sa carrière dans le monde des Lettres) était un formidable dramaturge et romancier. Avis aux éditeurs français qui feraient bien de proposer des traductions de ses magnifiques oeuvres. En attendant, j’escompte vous offrir les miennes, ici et / ou en librairie !
Sa vie de célibataire excentrique (bien qu’il fût marié un temps) et d’enfant inachevé, il n’a cessé de l’écrire dans chacun de ses textes. L’un des plus beaux, à mes yeux, est Le Petit Oiseau blanc, dont j’ai entrepris de proposer sur ce site une analyse ; il est sorti en librairie en 2006, dans ma traduction (et proposé dans une nouvelle édition revue et augmentée en 2013). En juin 2010, Actes Sud a publié ma traduction de Margaret Ogilvy, qui est un chef-d’oeuvre (je pèse mes mots !) inconnu. En 2012, ce fut le tour d’Adieu, Miss Julie Logan, toujours chez Actes Sud. Mary Rose apparaît en 2014 dans les librairies. D’autres traductions et travaux barriens verront bientôt le jour, eux aussi… Mais revenons-en au Petit Oiseau blanc, dont j’ai écrit une adaptation pour la scène entre-temps… qui me fut volée par un metteur en scène peu scrupuleux !
Seule une partie du Petit Oiseau blanc, roman délicieux et étrange, avait été traduite en France, sous le titre Peter Pan dans les jardins de Kensington (disponible jadis aux Editions Corentin, avec les illustrations tronquées d’Arthur Rackham ; aujourd’hui, le livre est publié aux Editions Terre de Brume dans ma traduction annotée, agrémentée d’une longue postface). C’est là qu’apparaît, pour la première fois, Peter Pan. Mais j’ose dire que ce n’est pas le personnage le plus intéressant de l’histoire. Je lui préfère mille fois le mélancolique Capitaine W— ou bien Mary A—. Afin de déterminer si j’ai raison, vous n’avez qu’une seule solution désormais : lire ce roman !
Le style de Barrie est à l’image de sa vie : plein d’humour, de tendresse et de cruauté.
George Bernard Shaw eut ce mot ultime pour le définir : « Barrie abrite l’enfer dans son âme. »
J’aimerais, quelques instants, vous servir de cicérone à travers la vie de cet homme si différent de nous et si semblable – lorsque nous sommes au crépuscule de nos existences. Suivez-moi de Kirriemuir, en Écosse, son lieu de naissance, à Londres, dans les Jardins de Kensington, en passant par Never (Never Never) Land, bien sûr. Chacune de ses oeuvres sera une étape de notre voyage imaginaire. Et, si nous nous égarons sur la route, nul doute qu’une immense et terrible aventure nous attend à un carrefour !
Anonymement vôtre,
Céline
Pour m’écrire, vous pouvez utiliser cette adresse : celinedavikenlegall[at]sirjmbarrie[dot]com ou jmbarrie[at]sirjmbarrie[dot]com
Il convient de remplacer at par @ et dot par .
Ou bien écrire à Céline-Albin Faivre chez Actes Sud ou Terre de Brume, mes éditeurs, qui transmettront le courrier.


